Avant que les procès de Salem ne deviennent l’un des épisodes les plus sombres de l’histoire américaine, un nom fut prononcé dans l’ombre : Tituba, esclave venue des Caraïbes, accusée d’avoir enseigné la sorcellerie à des jeunes filles puritaines.
Une étrangère dans un monde qui ne voulait pas d’elle
Tituba était une femme asservie, probablement originaire de la Barbade. En 1692, elle vit à Salem Village, dans le Massachusetts, au service du révérend Samuel Parris. Elle est différente : elle parle avec un accent, connaît les plantes, les rituels, et les contes magiques venus des traditions afro-caribéennes. Cela suffit à faire d’elle une cible.
Lorsque les filles du révérend Parris commencent à avoir des crises étranges, à hurler, à se tordre de douleur, la peur s’empare du village. Accusées de pactiser avec le diable, elles dénoncent… Tituba.
La première à confesser… sous la torture
Arrêtée et interrogée, Tituba avoue avoir parlé au Diable, participé à des sabbats, vu des animaux démoniaques. Elle ne fait que confirmer ce que les juges veulent entendre. Mais surtout, elle accuse d’autres femmes, déclenchant une vague de dénonciations sans précédent.
Ce que peu savent, c’est que son témoignage était probablement arraché sous violence physique et psychologique. Son “aveu” ne vient pas de la culpabilité, mais de la peur.
Le prix du silence
Paradoxalement, sa confession lui sauve la vie. Alors que d’autres femmes qui nie toute implication sont exécutées, Tituba reste en prison plus d’un an… avant d’être vendue à un inconnu. Sa trace disparaît. Mais son nom, lui, reste.
Tituba est la première « sorcière » de Salem, la première voix entendue dans un procès qui coûtera la vie à des dizaines d’innocents. Ni blanche, ni libre, ni chrétienne, elle incarne la peur de l’autre… et la puissance des traditions occultes venues d’ailleurs.
Une mémoire qui revient à la lumière
Aujourd’hui, Tituba est redécouverte comme une figure centrale du féminisme sorcier, du combat contre l’injustice, et de la résilience des femmes opprimées. Elle représente la sorcière accusée non pas pour ses actes, mais pour ce qu’elle incarne : la différence, le mystère, et le savoir ancien.
Au Sabbat des Sorcières, son nom est invoqué avec respect. Car chaque mot qu’elle a dû dire sous la peur, aujourd’hui, nous le crions avec fierté : nous sommes les filles de celles qu’on n’a pas pu brûler.